Clause abusive dans la location meublée à un étudiant. Par Jacques Cauët et Brigitte Ghandour, Juristes.

Publié le par BCG

Un jugement du Tribunal d’Istance de Maubeuge (1) confirme le droit du locataire à délivrer congé à tout moment. Au passage, le juge rappelle que c’est au demandeur d’expliquer clairement sa demande.

Si la loi du 6 juillet 1989 (2), applicable aux locations de la résidence principale nue, proclame clairement le droit du locataire à résilier son bail à tout moment (3) et dresse une liste précise de clauses abusives (4), il n’en va pas de même pour la location meublée.

Longtemps peu réglementée, celle-ci a fait l’objet d’un encadrement légal lorsqu’elle concerne la résidence principale du locataire (5). Cependant, les règles ne sont pas aussi précises que dans la loi de 1989. Nombre de litiges concernent la qualification de meublé. Ici il s’agissait du droit du locataire à délivrer congé à tout moment.

Un étudiant locataire en meublé était titulaire d’un bail d’un an tacitement reconductible. Le bail avait été conclu à effet du 1er septembre. L’étudiant donne congé fin mai au cours de la 2è année avec un préavis d’un mois. Le loyer mensuel est de 330 €, sans indexation prévue. Le propriétaire refuse d’établir l’état des lieux de sortie. On notera que le logement d’un étudiant constitue bien sa résidence principale ; ce qui rend applicable le Code de la Construction et de l’Habitation même si ce dernier est encore rattaché au foyer fiscal de ses parents (6). Ce point n’a d’ailleurs pas été soulevé ici.

Le contrat prévoit qu’en cas de départ anticipé le loyer sera « recalculé » (sic) selon un barème variant de 22 € par jour à 13.20 € selon la durée de la location. Le propriétaire se prévaut de cette clause et réclame 660 €. On ne peut que constater que le propriétaire tente de se faire payer 12 mois pour une occupation de 10 mois….

Le propriétaire saisit le Tribunal d’Instance d’une demande en paiement d’une somme de 1 320 €, c’est à dire les deux derniers mois de loyer (mai + juin) et le sur-loyer de 660 €. Il est débouté. Les loyers impayés sont compensés avec la caution non restituée dans les délais.

Concernant la clause de surévaluation du loyer pour départ anticipé, l’étudiant fait valoir qu’elle a pour but de faire échec à l’article L 632-1 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit un préavis d’un mois et la possibilité pour lui de mettre fin au bail avant la date d’expiration. Le Juge rappelle que cet article est d’ordre public. Il constate que cette clause réévalue le loyer en dehors de l’indice de révision et met à néant le préavis puisqu’elle a pour but de faire payer l’intégralité des 12 mois de loyer. Il la déclare abusive. A noter que si l’étudiant était parti à la fin du 5ème mois, en respectant un préavis d’un mois, il aurait dû payer un loyer « recalculé » de 3 300 euros (150 jours à 22 euros) alors que selon le bail le loyer n’était que de 1650 euros…

La Cour de Cassation s’était déjà prononcé dans le même sens sur les deux points tranchés dans cette affaire :
- dans un arrêt de 2005 (7), elle avait affirmé le droit du locataire de résilier à tout moment précisant que ce droit s’appliquait dès la première année du bail et ce « nonobstant toute clause contraire du bail » ;
- dans un arrêt de 2009 (8), elle avait jugé abusive la clause qui consistait à recalculer le loyer selon la durée du bail . Cela n’empêche pas certains bailleurs de continuer à nier ce « droit ».

Par ailleurs le Juge relève que le propriétaire « n’a expliqué que très sommairement comment il aboutissait à la somme de 1320 €, ce qui a été fort heureusement expliqué par la partie adverse... ». Cette formulation sévère rappelle l’obligation qu’a le demandeur d’expliciter sa demande tant en fait qu’en droit, sous peine de voir sa demande rejetée.

Notes

(1) Tribunal d’Instance de Maubeuge du 20 juillet 2012 – RG-11-11-000411 – Périn/Marquette
(2) Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986
(3) Loi 1989 précitée art.12
(4) Loi 1989 précitée art. 4
(5) Code de la Construction et de l’Habitation art. L632-1 et svts.
(6) Réponse ministérielle Robert JO Sénat 02.06.83 p.807 et JO Sénat 28.04.05. La Commission des clauses abusives a été saisie de ce type de clauses en 2010 par M. H. Novelli alors secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services et de la Consommation.
(7) Cour de Cassation 3è civ. 06 avril 2005 N° 04-11374
(8) Cour de Cassation 3è civ. 04.02.09 n°07-20980

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